[Brevet] Arris composites propose une plaque carbone pour chaussure

[Brevet] Arris composites propose une plaque carbone pour chaussure 1

Au programme : une plaque en fibre de carbone sans chaussure !

Cet article ne présage pas des futures sorties de la marque, il n’est issu que de mon analyse d’un brevet déposé par la marque et reflète potentiellement les activités des concepteurs.

Les informations présentées dans cet article proviennent de la demande de brevet US2021378360 déposée par Arris Composite, en mai 2021 et publiée en novembre 2021. 

Dans cette section, on parle souvent de marques de chaussure, je vais vous parler aujourd’hui d’un fabricant spécialisé dans le composite, Arris Composites. Vous allez le voir la vision apportée sera donc un peu différente, plus orientée mécanique que design ou performance sportives mais tout aussi intéressante sur les capacités du composite ! Et je pense qu’il a un intérêt non seulement pour la course à pied mais aussi dans le cyclisme.

Arris composites, c’est quoi ?

C’est une boite américaine basé en Californie depuis 2017 qui est spécialisé dans les fibres de carbone et notamment avec un procédé spécial appelé « Additive molding » qui combine les deux mondes des fibres alignées et des composites continus qui se sont développés dans l’industrie aérospatiale. Alors oui, ça ne vous dit surement rien car ils ne sont aujourd’hui dans aucune chaussure. C’est un équivalent de Carbitex, qui bosse avec adidas, puma ou Speedland mais qui vise un public industriel plus large par sa technologie. La technologie de Carbitex utilise par contre, une plaque conventionnelle laminée là où la technologie de Arris Composite est totalement novatrice dans ce domaine.

Il possède une Business Unit spécifique pour le Footwear à Portland, Oregon avec dans ses rangs notamment une ancienne de On et Nike.

On va parler des spécificités du brevet et de la plaque que propose les concepteurs d’Arris Composites

L’idée du brevet

On va se concentrer sur les chaussures de course qui embarquent de plus en plus de plaques en fibre de carbone (ou autres composites) dans leur semelle intermédiaire. Celles-ci agissent comme des leviers, propulsant le coureur en avant, combinés aux nouvelles mousses développées, plus légères et plus résistantes que jamais, elles alourdissent à peine les chaussures. Malgré ces évolutions, la chaussure est toujours un ensemble de compromis entre performance, confort, etc. Les concepteurs d’Arris Composites ont donc essayer de faire portée à la plaque carbone d’autre capacité que juste celle de « performance ».

En effet, leur proposition est d’utiliser la plaque comme un élément permettant de personnaliser les caractéristiques des chaussures en offrant la possibilité de contrôler la rigidité dans certaines directions et dans des zones précises de la semelle. Il serait par exemple possible de limiter la torsion latérale tout en fournissant une torsion naturelle le long de l’assise plantaire et en gardant une transmission efficace des forces de la pointe du pied au talon (sens longitudinale). Pour cela les concepteur d’Arris Composites joue sur des chemins de fibres qui sont beaucoup plus proches de l’optimum que ce qui est possible avec les plaques en fibre de carbone pleines.

Tout un ensemble de paramètres sont réglables pour atteindre des objectifs spécifiques pour la chaussure :

  • la géométrie spécifique (par exemple, la forme de la section transversale des côtes, la hauteur des côtes, l’orientation/la disposition des côtes, etc ;
  • les alignements/chemins spécifiques des fibres à travers les nervures ;
  • la continuité ou l’absence de continuité des fibres entre les différents composants de la chaussure (c’est-à-dire à travers les différentes couches de la chaussure) ;
  • les variations du rapport résine/fibre sur la longueur de la fibre continue ;
  • les variations du type de résine utilisé (par exemple, le TPU flexible, le PC rigide, les résines transparentes, opaques, absorbant les chocs, stockant/transmettant l’énergie, souples, de type élastique, etc

En utilisant donc la même forme de chaussure, tout un tas d’aspect en lien avec la performance et le confort sont adaptables aux préférences du coureurs et tout cela dans le même moule car ces caractéristiques ne concernent que l’orientation, la densité et la longueur de fibres ou le type et le pourcentage de résine utilisée !

Et du coup, elle ressemble à quoi cette plaque carbone.

La conception de la plaque carbone par Arris Composites

La plaque proposée par les concepteurs d’Arris Composites est faite par structure lattice, c’est à dire qu’elle ressemble à une toile d’araignée avec juste de la matière là où il y en a besoin pour notamment faire transiter les efforts, contraindre la semelle ou offrir de la liberté.

Prenons par exemple une chaussure de trail et une chaussure de course. Le concepteur d’une chaussure de trail running a besoin de mettre davantage l’accent sur le soutien de la cheville par la capacité à résister à une  » rotation  » de celle-ci que le concepteur d’une chaussure de course. Cela peut se traduire par une plaque pour la chaussure de trail ayant plus de nervures de soutien sur son périmètre que la chaussure de course, ainsi que des nervures de « connexion » disposées latéralement pour rigidifier la semelle

Il est intéressant de comprendre que plus le nombre d’intersections de nervures orientées longitudinalement (c’est-à-dire dans le sens du pied) avec des nervures orientées latéralement (c’est-à-dire perpendiculairement au premier) est élevé, plus la rigidité de la plaque, et donc de la chaussure, est grande. Inversement, plus la distance entre ces intersections augmente, plus la rigidité de l’insert est réduite, tous les autres paramètres étant égaux.

Outre le nombre de nervures, un autre paramètre est intéressant : leur hauteur. 

Les figures ci-dessous montrent l’impact de la hauteur et de la largeur des nervures sur la digité (module d’Young). Le graphique est basé sur une portion de matériau composite de fibres ayant une largeur W de 25 mm, une longueur L de 50 mm, une hauteur Y1 et une nervure de hauteur Y 2 et de largeur X, avec une force F dirigée vers le bas, orthogonale à la nervure.

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Le graphique montre que l’utilisation d’une nervure est un moyen très efficace d’augmenter la rigidité. Il est à noter qu’une augmentation de la largeur de la nervure a peu d’effet sur la rigidité spécifique. L’augmentation de la hauteur des nervures dans une région particulière offre donc une plus grande rigidité dans cette région.

arris composite plate

Voici donc une plaque comme Arris Composites l’imagine avec différentes hauteurs de nervures. La partie C 2 de la nervure est relativement plus basse en hauteur que la partie C1 vers tête des méta et la partie C 3 vers le talon. Cet arrangement structurel permet une plus grande flexibilité en torsion autour de la partie que si les trois parties étaient de la même hauteur. Cette flexion en torsion permet, par exemple, à la cheville d’un porteur de pivoter tout en maintenant le talon en place.

De plus tout le périmètre de la plaque a une hauteur plus élevé aussi pour offrir une plus grande stabilité et réduire le mouvement latéral du pied.

Et finalement, il joue sur l’orientation des fibres pour offrir plus moins de flexibilité à la plaque. Voici 2 exemples de chemin en pointillés. De par sa construction, la seconde option offrira plus de flexion en torsion que la première.

Conclusion

Ce brevet déposé par Arris Composites offre des perspectives intéressantes. Imaginez la déclinaison en plusieurs versions de votre chaussure préférée : route et trail avec le même châssis mais une plaque adaptée pour une meilleure stabilité ou encore une plaque adaptée à vos envies. Plus besoin de passer des heures à choisir 2 modèles construits différents si vous vous sentez bien dedans ! 

Leur technologie semble aussi pouvoir limiter la matière nécessaire mais aussi les déchets et en intégrant le recyclage dans leur processus. Mais il faudra attendre 2024 pour voir une première chaussure avec ce type de plaque. Il n’y a pas de marque citée pour l’instant : peut être On qui a déjà une plaque : SpeedBoard avec ce type de structure !

Arris

Et si on va encore plus loin, leur idée technologique a aussi un intérêt dans le monde du cyclisme, là où le carbone a intégré les chaussures depuis déjà pas mal d’années. La recherche de l’optimisation du poids ou de la rigidité (pour des chaussures de gravel ou cyclo-cross) sont des thématiques intéressantes. 

 

 

 

One comment

  1. Super intéressant 🙂
    Tout ce que tu décris sur les intérêts de ce type de conception me rappelle fortement les avantages énoncés par Salomon sur le choix d’une plaque en fibre de verre plutôt qu’en carbone pour la Phantasm CF: pouvoir ajuster finement le comportement de la plaque dans les différentes zones en fonction du besoin en jouant sur la densité du tissage de la matrice.
    On remarque d’ailleurs déjà de plus en plus des plaques carbone découpées, avec 3 « tiges » à l’avant par exemple (Altra Vanish…ou même les Rods chez Adidas) afin de gagner en torsion tout en conservant une bonne résistance à la flexion (et donc « du renvoi » ). Carbitex (qui bosse aussi avec Scott…) propose aussi des plaques au comportement dynamique, selon eux (si tu « appuies » moins, elle est plus souple…même si j’ai du mal à comprendre ça sur un élément solide, alors que sur un fluide ça semble naturel…)

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