Au programme : Description de l’effet Teeter totter des super shoes avec une plaque carbone comme la Vaporfly ou l’Alphafly.
Cela fait quelques mois que l’on parle de ces nouvelles « super shoes » avec beaucoup d’hypothèses sur leurs effets: retour d’énergie important de la semelle, allongement de la longueur de la jambes sans poids, limitation de la fatigue via une réduction des vibrations ou encore effet « magique » de la plaque carbone ! Beaucoup de publications comparatives sortent autour de ces chaussures, certaines avec des chaussures modifiée avec des plaques carbones pour jouer sur la rigidité comme Adding carbon fiber to shoe soles does not improve running economy: a muscle-level explanation par Beck et al.ou Shoe midsole longitudinal bending stiffness and running economy, joint energy, and EMG par Roy et al. mais il n’est jamais précisé l’incurvation de la plaque.
On va continuer de parler de ces plaques de carbone avec ce que le docteur Benno Nigg a mis en avant récemment : le Teeter Totter effect ou l’effet de bascule dans sa publication : Teeter-totter effect: a new mechanism to understand shoe-related improvements in long-distance running, une étude plus théorique que basé sur des tests.
L’effet Teeter totter

Quelque soit votre foulée (talon, média-pied ou avant), lorsque vous courrez le centre de pression se déplace vers l’avant de la chaussure. Avec une plaque incurvée comme sur la Vaporfly, la force sur l’avant va créer une force de réaction au niveau du talon perpendiculairement à la plaque, Archimède avait déjà pensé à l’idée : Δός μοί ποῦ στῶ, καὶ κινῶ τὴν γῆν ! Cela arrive en plus au bon moment c’est à dire au moment du décollage : quand on pousse sur l’avant en même temps que l’on cherche à éloigner le talon du sol ! Contrairement au « retour d’énergie » d’une mousse qui intervient dès que l’on enlève la contrainte dessus : c’est à dire bien trop tôt par rapport au mouvement du coureur.

Pour transmettre cette force, la plaque doit être suffisamment rigide pour créer cet effet levier, de plus le point de pivot doit être judicieusement placé pour que la force soit transmise au bon moment et enfin la courbure doit aussi choisi pour accompagner la foulée.
Si on veut faire une analogie, cela fonctionne comme avec cette cuillère, plus le point d’application de la force va avancer vers l’avant plus l’arrière de la cuillère va se soulever et appuyer sur le talon

Nigg s’appuie ensuite sur des résultats non plubiés d’une étude numérique réalisée chez Salomon. Un modèle éléments finis (méthode de résolution commune en mécanique) a montré une augmentation des performances et une augmentation de la force agissant sur le talon dans la phase de propulsion, ce qui corrobore l’hypothèse de Nigg.
Ce qu’il faut retenir de l’effet Teeter totter
Ce qu’il faut retenir d’un point de vue conception de la chaussure :
- La plaque carbone a un effet sur la performance en course en aidant la foulée grace à sa forme incurvée qui crée un effet de bascule.
- La plaque doit relier l’avant du pied et le talon pour transmettre l’effort tel une bascule.
- Benno et sa team affirme que cela représente les 4 à 6% d’amélioration sur l’économie d’énergie même si la publication est vague sur ce qu’est le gain : « temps de foulée », « performance ». C’est, je pense le premier à mettre tout là dessus.
- D’après des simulations numériques réalisées par Salomon, on retrouve un gain de 6% sur la Vaporfly et Salomon aurait testé numériquement d’autres courbures !
- Une mesure de la pression à l’intérieur de la chaussure permettrait de quantifier ce gain mais visiblement personne ne l’a fait (ou publié dessus)
Les chaussures et la courbure de la plaque carbone
Si on regardait de plus près les super shoes pour voir si elles rentrent toutes dans les critères pour avoir un bon effet teeter-totter.
Conclusion
Alors est-ce l’effet de l’intégration d’un ensemble d’éléments allant tous dans le même sens ? juste la mousse ? juste la plaque de carbone ? juste l’épaisseur de la chaussure et son poids faible ? ou un sacré coup de bol de Nike. La publication est assez « légère ». Sans le détail des modèles éléments finis de Salomon et leurs résultats, pour pouvoir savoir les conditions limites appliquées et si c’est vraiment la plaque seule qui crée ce gain, il est difficile d’en savoir plus sur les chiffres qu’avance Nig . Est-ce le signe d’une publication prochaine de Marlène Giandolini et la team biomécanique de Salomon ? (vu les résultats évoqués et l’importance des données je pense qu’ils vont garder cela au chaud)
Concernant les chaussures du commerce, on voit assez rapidement que certaines ne permettent pas de transmettre la force sur lequelle l’effet Teeter totter s’appuie et pourtant les résultats sont parfois là (ex : adidas Adizero Adios Pro), comme quoi le coureur fait toujours le boulot !
Dans la publication, quelques points me font penser que cette plaque pourrait être encore plus efficace si elle était adaptée à la foulée de chacun en suivant l’hypothèse de Nigg: point de pivot et courbure sont directement liés à la foulée. Serait-ce la piste d’optimisation dans le futur ? peut-être sur la base d’un modèle numérique de chacun de nous, avec des scans de nouvelle génération incluant des mesures 3D de la foulée (ex: 3dMD), de la densité des os.. On peut imaginer beaucoup de possibilités !
Pour en apprendre un peu plus sur le sujet, je vous conseille le podcast de RunChatLive avec Benno Nigg où il évoque cette publication
Références
Nigg BM, Cigoja S, Nigg SR. Br J Sports Med (2020) Teeter-totter effect: a new mechanism to understand shoe-related improvements in long-distance running
Lise Sissler & Marlene Giandolini (2019) Finite element modelling of tibial vibrations during running, Footwear Science, 11:sup1, S75-S7
Image centre de pression : https://onemix.shop/blogs/news/i-think-i-m-a-pseudo-heel-striker-study-suggests-that-as-many-as-25-33-of-heel-strikers-exhibit-a-more-midfoot-loading-pattern
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