LA Foulée !

LA Foulée ! 1

Au programme: parlons foulée !

Attaque talon, Médio pied, avant du pied et si la réponse n’était pas là : une libre analyse de quelques articles scientifiques.

Pour cet article, je me suis basé sur 2 papiers de Marlène Giandolini (que j’ai interviewé récemment pour Globe-Runners) qu’elle a écrit en collaboration, entre autres, avec Jean-Benoit Morin (directeur de sa thèse, Université de Nice Sophia-Antipolis), Pierre Samozino (co-directeur de sa thèse, Université Savoie Mont Blanc) et Nicolas Horvais (encadrant industriel de sa thèse et aujourd’hui son manager dans l’équipe biomécanique de Salomon Footwear)..

Marlène a réalisé une thèse autour de l’impact de la foulée sur la fatigue en trail running. Avec Jean Benoit, Pierre et Nicolas ils ont notamment mis au point une méthode embarquée qui permet de déterminer le type de foulée en conditions réelles.

Cette méthode est décrite dans un premier papier et appliquée sur un top athlète durant la Kilian’s Classik dans un second article.

Une méthode simple pour identifier sur le terrain la foulée

IMG_2284La plupart des analyses sur la foulée des coureurs sont surtout faites en laboratoire via des caméras rapides : 500 images par secondes. C’est bien, ça fait de belles vidéos à décortiquer mais c’est assez limité en termes de pas à analyser et c’est pas facile à emporter sur le terrain pour suivre un coureur pendant des heures.

Marlène Giandolini, Thibaut Poupard, Philippe Gimenez, Nicolas Horvais, Guillaume Y. Millet, Jean-Benoît Morin et Pierre Samozino ont essayé de mettre au point un système simple qui permet d’analyser les pas en continu et in situ !

accelerometerCette méthode est basée sur l’utilisation de 2 accéléromètres 3D : un sur le talon et un au niveau des métatarses. Cela semble léger et simple à mettre en place et ça a l’avantage d’être sans fil ! Pour valider la méthodologie, une analyse vidéo classique a été réalisé en parallèle.

2 paramètres ont été analysées :

  • le temps entre l’accélération du talon et des métatarses (THM) avec l’accélération du talon comme temps de référence via le système d’accéléromètre. Ainsi une valeur positive de THM indique un contact initial du talon, une valeur négative un contact de l’avant du pied et une valeur proche de 0 un atterrissage plutôt à plat

attaque

  • l’angle du pied au moment du contact avec le sol via les caméras: une valeur positive indique un moment de dorsiflexion : orteils plus haut que le talon, une valeur négative indique une flexion plantaire (talon plus haut que les orteils)

L’objectif est de voir si ces 2 paramètres sont corrélés pour n’utiliser que les accéléromètres pour déterminer le type de foulées ! Et ça marche plutôt bien comme le montre le graphique ci-dessous !

Capture d’écran 2016-02-20 à 10.14.03

A gauche : angle d’attaque négatif et THM négatif (<-5.5ms) : l’attaque avant du pied, entre -5.49 et 15.2ms (ave un peu plus d’incertitude): l’attaque médio-pied et à droite l’attaque talon

La seule difficulté notable de détection de cette méthode est la course sur la pointe des pieds (comme en sprint) car le talon ne touche jamais le sol donc pas de second pic

A l’épreuve sur un athlète de classe mondiale !

Credit.MartinaValmassoi_ font romeu test e day 2
Le système Hikob (crédit photo: Martina Valmassoi)

L’instrument s’est amélioré avant de partir sur un athlète : Hikob fournit les accéléromètres et tout ça se fixe sur une chaussure Salomon S-lab modifiée pour l’occasion. Cette chaussure a un profil plutôt bas (4mm de drop)

L’intérêt: voir comment un athlète adapte sa foulée avec le temps, en fonction du parcours et tout ça sur une vraie course !

Parlons un peu de cet athlète : Kilian Jornet, rien que ça ! On connaît son aptitude à jouer sur à peu près tous les terrains, il va donc être intéressant de voir à quoi ressemble sa foulée. Le terrain de jeu est l’édition 2013 de la Kilian’s Classik, enfin surtout les 20 premiers kilomètres car la batterie du système GPS est tombé en rade !

5530 pas ont été analysés sur environ 82 minutes de course avec des passages entre 30% et -20% de pente : un vrai parcours trail avec un Kilian en mode ballade active (il gagne en 4h23  avec Greg Vollet et Zait El Malik) Une vitesse moyenne de quasiment 11km/h sur un peu plus de 1000m de D+ !
Les résultats montrent que les pas de l’espagnol sont majoritairement (49.4% +/- 14.2%) avec une attaque sur l’avant du pied : rien de surprenant vous direz  mais on compte quand même 23.7% (+/-4.48%) de pas avec attaque talon, les quelques 27% restant étant une attaque médio-pied.

Graphique Kilian
Les barres représentent le pourcentage de chaque type de foulées, en trait noir le profil de la course et en gris la vitesse de Kilian

Les conclusions de l’équipe sont que l’on constate une augmentation du pourcentage d’attaque talon avec la distance et la pente même si cela semble très limité. Ce qui est surtout important de noter c’est la polyvalence et l’adaptation de la foulée par cette athlète de haut niveau !

ANNEXE 5_Evaluation de la pose de pied chez les athletes SLabMarlène a eu aussi l’occasion de tester cette méthode sur d’autres athlètes du Team Salomon lors d’un footing de récupération après les courses du marathon du Mont Blanc 2014. Les cobayes sont : Tom Owens (3ième du marathon), Stevie Kremer (3ième du marathon), Anna Frost (2ième féminine du 80km) Landie Greyling (12ième féminine du marathon), Zhanna Vokueva (15ième féminine du KV), et Jonathan Wyatt (25ième et 2ième V1 du marathon) ! Belle brochette de haut niveau avec des profils divers et des spécialités différentes !

Tom et Stevie ont des foulées majoritaire medio-pied, Anna et Landie majoritairement avant du pied, Jonathan quasi 100% avant du pied alors que Zhanna attaque plutôt du talon ! Le constat est moins marqué qu’avec Kilian mais chacun d’entre eux utilisent au moins 2 types de poses de pied voir les 3 avec généralement une préférence marquée sur les terrains « plats ».

L’adaptation au profil du terrain est assez nette pour la plupart : en descente la foulée bascule vers une attaque plutôt talon / médio alors qu’en montée, l’attaque médio avant-pied est plus présente (même chez Zhanna !)

Conclusion

Maitriser un seul type de foulée ne semble pas être l’idéal mais la capacité à passer de l’un à l’autre pour s’adapter au terrain, pour savoir relâcher les muscles semble être plus utile que de se forcer à poser le pied de telle ou telle manière !

Référence

A simple field method to identify foot strike pattern during running – Marlène Giandolini, Thibaut Poupard, Philippe Gimenez, Nicolas Horvais, Guillaume Y. Millet, Jean-Benoît Morin, Pierre Samozino – Journal of Biomechanics

Foot strike pattern and impact continuous measurements during a trail running race: proof of concept in a world-class athlete – Marlene Giandolini, Sebastien Pavailler, Pierre Samozino, Jean-Benoît Morin et Nicolas Horvais

 

2 comments

  1. Jonathan Wyatt serait bon à la danse, non ? genre petit rat d’opéra.
    Bon, c’est trop dur à comprendre. Moi c’est talon/talon pour essayer de pas tomber.

    1. Heureusement que je ne t’ai pas parlé de sa thèse sur la gestion de l’impact et de la fatigue neuromusculaire en trail 😉
      Arrêtes de courir avec des talons aiguilles ça ira mieux 😀

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